Grand solo solo

Bois

Du chat et de l’oiseau, il reste l'arbre et le ciel. Du cheval, le sabot évasé, le nœud du genou. Puis vient le vent qui les use, les troue et les divise. Un, deux, trois. Ils se côtoient, s’élancent et se frôlent. L'un vers l'autre, arrêtés dans le désir et l'attente. Aveugles, à se refléter. Quel vent les a déconstruits, levant ces ruines de terre ? Quels sangs mêlés génèrent ces hommes animaux ? Quelle fournaise a craquelé ces totems de pierre et de bois ; dispersé, des couleurs métalliques, le mat et le brillant, réparti le langage secret des émaux ? Amoureuse forêt, bestiaire hiératique, ville de sables durcis, il faut suivre l'orbite, laisser couler ou s'endiguer le regard, graviter autour des masses, des lumières et des ombres qui font le ciel intérieur d'Evelyne Boinot. Elles nous illuminent et nous aveuglent. Elles éblouissent la vie qui bat en nous.

Georges Martin Université Paris-Sorbonne

J'ai croisé des arbres magnifiques. Celui du square des Batignolles, un grand platane issu d'un conte de fées respire la plénitude. Sa présence généreuse émane un sentiment de paix, ses bras multiples forment un jeu de tensions harmonieuses digne d'une ramure de Mondrain, ses volutes s'entrecroisent dans le frou-frou du feuillage. Plus ses racines s'enfoncent dans la terre, plus il se tend vers le ciel. Il y a dans ces oppositions une dualité merveilleuse qui chuchote le sens de l'existence comme s'il fallait s'enraciner pour approcher l'univers céleste. Là intervient la besogne du "tailleur d'arbre", entre ciel et terre, où les formes modelées en trois dimensions grandissent dans la résonnance de l'arbre. L'élaboration de l'œuvre exige autant de qu'un arbre pour croître et passe par milles métamorphoses. Dans ce grand désordre plastique, il faut se frayer un chemin, empreint de signes, une sorte de forêt peuplée d'essences multiples, s'approcher de l'épure sans y parvenir. J'aimerai que l'on regarde les sculptures sans trop se poser de questions sur la manière, la raison ou le sens sinon celui de la sève et des vibrations ders formes : cette lecture amène à tous les secrets de "l'abre" et parfois à la contemplation.

Evelyne Boinot